C - La première vague slasher

Publié le par François Declercq

L'horreur et son sous genre, le slasher
Introduction
Chapitre I: Le genre au cinéma, un terme flou
Chapitre II: L'horreur
  1- Une tentative de définir l'horreur
  2- L'univers du film d'horreur
  3- L'histoire du cinéma d'horreur
    A- L'époque muette
    B- Les années 1930, le début de l'ère du cinéma parlant
    C- Les années 1940, l'horreur underground
    D- Les années 1950, la domination de la science-fiction
    E- Les années 1960, une horreur nouvelle et la naissance du gore
    F- Les années 1970, la division indépendante et blockbuster
    G- Les années 1980, la décennie de l'horreur
    H- Les années 1990, la chute et la renaissance de l'horreur
    I- L'horreur du 21ème siècle

Chapitre III: Le slasher
  1- L'évolution du film slasher de Psychose à aujourd'hui
    A- Les fondements d'un genre
    B- 1978-1980, la naissance du slasher
    C- La première vague slasher
    D- La fin d'un genre ?
    E- La deuxième vague slasher
    F- Synthèse des trente dernières années
  2- Comment définir le slasher ?
    A- La structure narrative générale d'un film slasher
    B- La belle et la bête
    C- L'élément de choc
Chapitre IV: Le slasher et les autres sous genres
Conclusion
Annexes
C- La première vague slasher
 Le succès de Vendredi 13, ainsi que de Le bal de l’horreur et Le monstre du train, est à l’origine, dès 1981, d’une exploitation massive du genre. Les producteurs copient immédiatement le style simpliste et la structure de Vendredi 13 et les œuvres deviennent de moins en moins intéressantes.

En 1981, nous pouvons déjà voir l’apparition de deux suites, Halloween II et Le tueur du Vendredi, qui introduit pour la première fois Jason Voorhees. La suite d’Halloween reprend les évènements là où le premier s’est arrêté, Laurie est emmenée à l’hôpital tandis que Michael Myers la recherche sans relâche. Bien que moins impressionnant que son prédécesseur, le film demeure toujours un des meilleurs de la série. Le tueur du Vendredi, quant à lui, après l’extermination d’Alice, unique survivant du premier opus, se contente de reprendre la même structure que celui de Vendredi 13. De plus, le personnage de Jason est encore flou, il porte un sac à patates pour cacher son visage, l’idée du masque de hockey n’avait probablement pas encore vue le jour, et il ne paraît pas être un être hors du commun, mis à part sa déformation.

Cette même année connaît une multitude de films tous moins intéressants les uns que les autres. Tout d’abord, l’Italie quitte petit à petit son dévoué giallo pour adopter les structures typiques du slasher comme nous le montre Joe D’Amato, réalisateur respecté et suivi, qui nous sort un très médiocre, Horrible. Le film n’a pas d’histoire, les personnages sont plats et toute excuse de meurtre est bonne à prendre, les effets spéciaux sont toutefois à la hauteur il faut l’admettre. Aujourd’hui, ce film est considéré comme culte par certains fans du genre pour l’unique raison de la réalisation par D’Amato. De retour aux Etats-Unis, Tobe Hooper nous livre Massacres dans le train fantôme, les premières minutes parodient le début d’Halloween et la scène de douche de Psychose à travers un faux meurtre, une farce entre un frère et une sœur, Hooper développe ensuite une presque adaptation de son propre Massacre à la tronçonneuse en film slasher. Le film en lui-même est intéressent mais manque l’efficacité dont avait fait preuve Hooper dans le passé. Ailleurs, Tom DeSimone réalise Hell Night, mettant en scène Linda Blair, héroïne de L’Exorciste. Comme dans Vendredi 13, une légende locale s’avère vraie lorsqu’un être hideux se met à traquer des jeunes dans un manoir. Ce film, même s’il est loin d’être un chef d’œuvre, a tout de même l’intérêt d’être probablement un des seuls slasher qu’on pourrait classer comme gothique, le manoir et les effets produit par les jeunes qui tentent de faire peur à d’autres renvoient sans cesse au films gothiques des années 1930 et de la Hammer.

Comme nous l’avons dit un peu plus haut, les producteurs et réalisateurs se mettent immédiatement à imiter Vendredi 13. Ceci, est flagrant dans Meurtres à la Saint-Valentin du canadien, George Mihalka, et toujours en 1981. Ce film, tout comme Halloween et Vendredi 13, choisit un évènement annuel pour illustrer son titre. Tout comme Halloween, le film raconte le retour d’un tueur après plusieurs années, et tout comme Vendredi 13, il est encore question d’une légende locale qui s’avère vraie. Ce film parvient tout de même à maintenir son intrigue et se diffère considérablement d’autres films, ne serait ce que par le contexte, les mines d’une petite ville. Pour voir à quel point les œuvres manquaient d’originalité et à quel point l’imitation était poussée, il suffit de regarder la fin de deux films de 1981, Le tueur du Vendredi, cité plus haut, et The Prowler, aussi connu sous le nom de Rosemary’s Killer, de Joseph Zito. Dans les deux cas, ce n’est pas une question d’intrigue générale qui est similaire, mais divers plans identiques. Les films présentent, à un moment donnée, leur héroïne, ou final girl, poursuivit par le tueur et afin de l’échapper, l’héroïne se cache, dans les deux cas, sous un lit. Pendant qu’elles sont sous le lit, le tueur, respectif, fouille la pièce de fond en comble mais les deux héroïnes sont alors confrontées à un rat et sont obligées d’étouffer un cri. Les images suivantes, la première tirée de The Prowler et la seconde de la suite de Vendredi 13, montrent à quel point les plans se ressemblent :

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Ce plan montre bien comment les slasher du début des années 1980 se copient, s’imite même, comme c’est le cas, lorsque les films sortent à seules quelques semaines d’intervalle (31).Suite à cette rencontre entre l’héroïne et un rat, les deux histoires se différent, The Prowler connaît une poursuite brève entre le tueur et la final girl avant qu’un homme intervient pour sauver l’héroïne, tandis que Le tueur du Vendredi prolonge la poursuite et joue sur un jeu psychologique entre le tueur et la final girl. Néanmoins, d’autres ressemblances ressortent de ces deux fins. Dans les deux cas, le tueur poursuit, à un moment donné, l’héroïne avec un râteau, râteau qui se casse en deux. Les deux filles ramassent alors la partie avec les pointes afin de se défendre de leurs agresseurs respectifs, comme nous le montre ces images :

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Encore une fois, ces deux images démontrent la ressemblance étrange entre les deux films. Bien sur, les images montrées ci-dessus ne sont que deux exemples tirés de deux films sortis au même moment, il en existe bien d’autres dans l’ensemble du mouvement slasher surtout au début des années 1980. Malgré cette incessante imitation de la part des producteurs, les films cités ci-dessus persistent à amasser de grandes sommes au box office américain. 1981 connaît un autre changement, lors de la sortie de Vendredi 13 en 1980, les censeurs américains pensaient autoriser un film sanglant pour un public restreint, ils n’étaient pas près à commettre de nouveau cette erreur. Le sang et les effets impressionnants à la Tom Savini laisse alors leurs place à des scènes presque sans sang, on joue alors sur le sexe et la nudité afin d’attirer la clientèle. Dans tous les films de l’époque, il y a une scène presque érotique où un couple fait l’amour et les réalisateurs ne ratent pas l’occasion de dévêtir leurs vedettes féminines.

En 1984, le slasher est prédominant dans l’horreur et le début de la décennie a connu de nombreux imitations, hommages et suites. Mais ce genre avait besoin de sang neuf, de quelque chose de nouveau, d’original afin de donner une seconde jeunesse. En effet, le slasher se porte de moins en moins bien, les retours sur l’investissement sont moins importants qu’auparavant, sauf dans le cas de suites de Vendredi 13 qui continuent malgré tout à attirer les foules. Ce quelque chose de nouveau vient alors d’un film du déjà réputé Wes Craven. Pendant des années, Craven allait de studio en studio essayant de vendre une idée de film que personne ne voulait tenter, Disney aurait était intéressé mais seulement pour transformer cette histoire en film pour enfant. Le problème, les producteurs ne croyait pas qu’un film, dont la majeure partie se déroule dans les rêves d’adolescents, soit capable d’infliger la peur nécessaire aux spectateurs pour devenir un vrai film d’horreur. Néanmoins, un producteur, Bob Shaye, d’une petite société de distribution et de production, New Line Cinema, va s’intéresser au projet de Wes Craven. New Line Cinema n’est, à l’époque, qu’une petite entreprise ayant produite et distribuée quelques films sans grand intérêt. Bob Shaye veut alors se lancer dans un projet capable de mettre son entreprise sur le chemin du succès. Il parvient à réunir $ 2 millions et à lancer la production du scénario de Craven. Quelques mois plus tard, Freddy était né. Les griffes de la nuit, titre de ce film, va propulser la New Line Cinema au premier plan du cinéma indépendant. Le film, portant les traits des films slasher des années précédentes, est toutefois différente. En effet, avant Freddy, le tueur pouvait attirer la sympathie du public mais Freddy est bien différent. Que se soit Norman Bates, terrorisé par sa mère, Leatherface, qui est sujet de moqueries par sa famille, ou Jason Voorhees, qui s’est noyé enfant, les tueurs ont tous un passé triste ou ils étaient victimes avant de devenir prédateur. Freddy est différent de ces tueurs, il est purement malsain, il torture brutalise et tourmente ses victimes avant de les râper avec ses doigts acérés. Certains pourront dire que Michael Myers est aussi malsain mais le fait que l’on découvre ce tueur enfant tend à attirer une sympathie, l’infirmière Marion dans Halloween se sent désolé pour ce cas psychologique qu’est Michael Myers. Le passé de Freddy est beaucoup plus noir, de son vivant, il est un tueur d’enfant pédophile qui massacre les jeunes d’un quartier résidentiel situé aux alentours de Elm Street. Lorsque celui-ci est arrêté puis jugé mais il est relaxé, faute de preuves. Les parents de ces victimes se sont alors réunis pour l’imbiber d’essence et le brûler vif. Certains pourront dire que cette mort atroce peut incité de la sympathie ou de la pitié envers Freddy mais au fond il a reçu la fin qu’il méritait. De plus, Freddy communique avec ses proies, et oui il sait parler. Les tueurs d’avant, Norman Bates exclut, sont tous muets, ils tuent dans le silence absolue, mis à part le bruit de la tronçonneuse qui virevolte dans les airs. Le pari de Bob Shaye est réussit, Les griffes de la nuit est un film extrêmement rentable. En dépit d’un premier week-end au box office qui voit le film récupérer seulement 50% de son budget, les films d’horreur doivent récupérer le maximum lors du premier week-end avant que les critiques et les spectateurs puissent commenter le film. La raison pour ce lent départ provient du fait que les critiques et le public sont sceptiques, ils pensent avoir à faire à une nouvelle imitation banale de Halloween ou Vendredi 13, mais le film perdure au cinéma et en Janvier 1985, le film étant sorti en Novembre, les spectateurs et les critiques décident enfin de regarder le phénomène de plus près, là ils sont agréablement surpris et le film est vite considéré comme un nouveau classique du genre. Après plusieurs mois dans les salles, le film aurait réussit à amasser plus de $25 millions au box office. Aujourd’hui, les dirigeants de la New Line Cinema considèrent ce film comme étant à l’origine de leur succès. Le studio fait maintenant partie des grands d’Hollywood et a produit des films comme la trilogie du Seigneur des anneaux ou encore la série des Austin Powers. Cet exemple montre parfaitement l’importance des films d’horreur, et plus particulièrement des films slasher, pendant les années 1980. Grâce à un film, on pouvait devenir un studio renommé ou encore sauver son studio de la faillite, comme c’est le cas de la Paramount grâce à la distribution de Vendredi 13 et la production de ses suites. Miraculeusement, Les griffes de la nuit n’a pas été victime de nombreuses imitations comme l’avait été Halloween et Vendredi 13, seul deux films copient banalement l’idée générale du film, Dreamscape de Joseph Ruben, avec Dennis Quaid en rôle principal, et Dreamaniac de David DeCoteau qui sort sous l’effigie de la Paramount suscitant ainsi la colère de Wes Craven qui s’était vu son idée rejetée par ce même studio. Le slasher adopte par contre le côté fantastique des rêves en jouant avec le sommeil et la clairvoyance, notamment dans les suites de Halloween et de Vendredi 13.

Malgré le succès des grandes franchises, le slasher est mal en point. En 1986, quelques tentatives ne laissent pas d’empreintes sur le genre. Week-end de terreur, en dépit d’une idée originale et intéressante ne parvient pas à attirer les foules, le casting et les effets spéciaux sont déplorables et la fin choisit par le studio tue le film. Le jours des fous est tout aussi déplorable, casting et effets au plus bas et une fin qui ne fait que contredire les 90 minutes qui ont précédées. Ces deux films sont des exemples parfaits du déclin du slasher, déclin masqué par le succès des franchises. L’année suivante, Return to Horror High, avec un jeune George Clooney en victime, joue sur la comédie afin d’aporter une nouvelle touche mais ne parvient toutefois pas à atteindre les hauteurs souhaités. 1987, c’est aussi l’année du troisième volet du la série de Freddy, Les griffes du cauchemar. Après une suite lamentable en 1985 avec La revanche de Freddy, suite qui détruit totalement le premier volet en brisant les règles et les valeurs fondamentales, Les griffes du cauchemar raconte une histoire intéressante, Craven est co-scénariste, autour des personnages du premier volet, absent du second. Le film rapporte $45 millions au box office assurant la longue vie de la franchise. Contrairement à ses pères, ce film est victime d’une flopée de pitoyables imitations, dont Bad Dreams qui va jusqu’à utiliser Jennifer Rubin, actrice dans Les griffes du cauchemar, pour son rôle principal. Le succès de Les griffes du cauchemar a redonné un peu de vitalité dans le slasher et les films qui sortent dans les mois qui suivent connaissent une assez bonne réception mais cette renaissance n’allait pas durer éternellement car deux ans après la sortie de Les griffes du cauchemar, même les grandes franchises ont du mal à attirer les foules. Pourquoi, les films sont souvent trop dérivés de leur prédécesseurs, le sang fait entièrement place à la nudité, les actrices débutantes sont alors remplacés par des pin-up et le marchandising de produits dérivés banalise les films.

En dépit de ce déclin, une nouvelle franchise allait naître et connaître un succès similaire à ceux déjà en place. Jeu d’enfant de Tom Holland en 1988 met en scène une poupée, Chucky, possédée par un tueur sans scrupule, Charles Lee Rae, incarné par le charismatique Brad Dourif. Ici, contrairement aux slasher dans l’ensemble, le tueur ne fait plus face à une final girl mais à un enfant, représentant alors l’innocence pure. Malgré cette tentative, le déclin est en marche, le slasher agonise et un nouveau genre va enfoncer le couteau dans la plaie.
(31) The Prowler est sorti le 6 Novembre 1981 aux Etats-Unis et Le tueur du vendredi est sorti le 13 Janvier 1982, seuls deux mois séparent les deux films, on peut alors imaginer, surtout lorsqu’on sait que l’année de production de Le tueur du vendredi est 1981, que les deux films ont été filmés en même temps, il est étrange de constater ces ressemblances flagrantes entre les deux films.

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